D’OÙ VIENNENT LES ARÔMES DU VIN ?

mai 25, 2023

D’OÙ VIENNENT LES ARÔMES DU VIN ? 
Un texte d'Elodie Gironde

Cuir, foin coupé, groseille, vanille, silex, agrume… autant d’arômes pour raconter une histoire de magie, de chimie et de souvenirs.  

Les sens : arômes au nez et notes en bouche 
L’odorat est le plus aigu de nos cinq sens. Lors d’une dégustation, on parlera alors de « nez du vin » pour appréhender et décoder le bouquet, autrement dit l’ensemble des sensations olfactives que procure un vin. 

Avant même la bouche, l'olfaction permet d'obtenir des indices sur les saveurs, les notes en bouche. 

Le goût est un autre sens largement sollicité pour révéler les arômes du vin, il nous fait découvrir sa saveur et son équilibre. C’est une histoire de papilles, disposées comme une sorte de carte sur la langue ; la perception des goûts y est représentée par région : le sucré et le salé sur le bout de la langue, l'acide sur les côtés et l'amer à l'arrière. 

De la chimie et des souvenirs 
Tous ces arômes émanent de molécules, ce sont elles qui sollicitent les sens. Ces molécules sont assemblées en chaîne et plus cette chaîne est complexe, plus les arômes le sont aussi. 

Si vous ressentez des arômes de citron, il est certain que vos sens ne sont pas en train de rencontrer des arômes purs de citron, maisune structure moléculaire proche de celle présente dans le citron, d’où la similitude olfactive. C’est ainsi que nous utilisons des analogies avec des odeurs proches de celles dont nous avons l’habitude et que nous connaissons donc déjà.  

Il s’agit de la mémoire des arômes, comme « une madeleine de Proust ». C’est l’élément déclencheur qui fait remonter un souvenir d’enfance, souvent empreint de nostalgie. L’expression vient d’un roman de Marcel Proust, dans lequel le narrateur voit un souvenir d’enfance refaire surface lorsqu’il mange une madeleine. Plus que la madeleine, c’est le goût et l’odeur de celle-ci qui ont marqué le narrateur. 

Nous agissons de même, dans notre façon de percevoir les arômes du vin, où tout est réminiscence et plaisir. 

Comprendre les arômes primaires, secondaires et tertiaires 
Il existe trois grandes familles d'arômes, mais avant qu’ils ne s’expriment tous, les influences du terroir, du climat et du cépage jouent leur partition. 

Les arômes du raisin et du terroir : les arômes primaires 
Chaque cépage a sa propre signature aromatique de base.  

Par exemple, le sauvignon blanc, cépage répandu dans le monde entier, se caractérise par un côté herbacé, très végétal, voire certains évoqueront des arômes de pipi de chat, ou d’asperge pour les plus délicats ; le gewurztraminer, un cépage blanc d’origine allemande, dégagera quant à lui des arômes de litchi et de rose, alors que le merlot, originaire du bordelais en France, développe des arômes de prune, de cerise noire, de bleuet ou encore de mûre, mais aussi de framboise et de fraise… 

Les caractéristiques aromatiques de tous les cépages présentent toutefois quelques légères différences selon la région, le climat ou le terroir dans lesquels ils sont cultivés.   

Nous parlons ici des arômes primaires et donc naturels du raisin. 

La pulpe et la pellicule des raisins contiennent de nombreux composés organiques dont une partie est aromatique. Des cépages comme le muscat ou le gewurztraminer, contiennent des arômes déjà odorants dans le fruit. Les échanges se feront alors avec le vin grâce aux macérations des moûts (des jus) avec les pellicules des raisins. 

Alors qu’avec des cépages à saveurs dites « simples », comme le cabernet, le pinot noir, le gamay, le sauvignon ou le chardonnay, le moût est inodore et c’est alors la vinification et plus particulièrement l’action des levures, qui les transformera en molécules volatiles pour les rendre aromatiques.  

Les arômes de la transformation, du jus de raisin au vin : les arômes secondaires 
Les arômes secondaires, ou fermentaires, proviennent de la fermentation alcoolique (autrement dit, la transformation du sucre en alcool) et se développent par l’action des levures et de bonnes bactéries. Les arômes vont alors varier en fonction de nombreux facteurs, principalement du cépage, du type de levure utilisé, de la température de fermentation et de sa durée. A chaque vigneron sa recette. 

Puis avec la fermentation malolactique, elle a pour effet de réduire l’acidité du vin, viennent de nouveaux arômes, principalement lactés et beurrés et une apparition légère d’arômes empyreumatiques (tout ce qui touche au feu, au grillé, au fumé).  

Elle est quasiment systématique pour les vins rouges, et leur apporte une stabilité aromatique, de la rondeur et des arômes spécifiques de baies rouges. 

Pour les vins blancs, l’affaire est plus compliquée. La décision d’y recourir ou non dépend du climat, du cépage et du style de vin recherché par le vigneron, qui aime souvent garder une acidité mordante dans ses blancs. S’il y a fermentation malolactique, les arômes qui influent sur la fraîcheur du vin comme les arômes d’agrumes vont avoir tendance à diminuer. C’est une histoire de recette propre à chaque vigneron. 

En résumé, c’est à ces étapes que la chimie opère alors que les molécules du raisin, les levures et le produit de la fermentation vont interagir entre eux pour créer la palette d’arômes secondaires que l’on va retrouver dans le verre.

 

Les arômes de l’élevage : les arômes tertiaires  
C’est maintenant la phase de vieillissement en cuve, en barrique ou en bouteille.  

Les arômes tertiaires peuvent se développer. C’est l’expression du temps qui passe et le résultat de l’élevage sous bois, mais aussi de l’oxydation, mais attention alors aux arômes de noix, qui ne font pas toujours l’unanimité.  

La vanille, les arômes empyreumatiques et les épices font partie des arômes tertiaires. Ils proviennent des composantes du bois et sont communiqués au vin par le contact avec les fûts de chêne préalablement toasté. Les notes d’élevage dépendent du type de bois utilisé (le plus souvent du chêne français ou américain), mais aussi des techniques de chauffe et du fait qu’il s’agisse de bois neuf ou non : ces paramètres confèrent au vin des arômes assez différents (passage de la vanille à l’amande grillée avec une chauffe plus intense par exemple).  

Le Québec fait la part belle aux élevages en barriques pour affiner les tanins ; mais aussi aux cuves inox pour des vins tout en fraîcheur à boire jeunes ; aux amphores pour diminuer l’acidité et renforcer le goût du fruit, ou sur lies (levures mortes issus de la fermentation) pour obtenir des vins encore plus structurés avec une belle complexité aromatique. 

Une fois embouteillé, le vin continue d’évoluer, grâce au passage infime et très progressif de l’oxygène dans la bouteille via les pores microscopiques du bouchon de liège. 

Au fil desannées passées en cave, certains arômes tertiaires tels que la fumée, le tabac, ou certaines épices continueront leur maturation pour prendre le pas sur les arômes primaires et secondaires.  

Floral, fruité, végétal, épicé, animal, empyreumatique, minéral, lacté… le bouquet s’est lentement développé.Il exprime à la fois l’arôme primaire du raisin, les arômes secondaires dus au travail des levures pendant la fermentation et les arômes tertiaires du vieillissement. Ils se fondent et s’harmonisent pour exprimer « l’âme du vin ».  

Vous ne plongerez probablement plus votre nez dans votre verre de la même façon désormais ! 

Elodie Gironde, sommelière 


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