Les types de vins mousseux - Au pays des bulles nordiques

Laissons les « vins tranquilles » en paix, pour regarder de plus près les « vins mousseux ». Véritable jeu de patience pour les confectionner, ces vins doivent être chargés en dioxyde de carbone, le fameux CO2. C’est grâce à ce gaz, que les bulles et la mousse sont au rendez-vous. 

Crémant, Champagne, Cava, Prosecco, autant de noms internationaux qui font saliver. 

Mais le Québec n’est pas en reste, et peut même s’enorgueillir de faire de ses vins effervescents une véritable signature québécoise, allant jusqu’à détrôner le vin de glace. 

Des bulles d’une extrême qualité favorisées par un climat frais et nordique. 

L’impact du climat 
Les conditions climatiques du Québec, ne sont pas que des enjeux à surmonter pour les vignerons. Elles se révèlent aussi être favorables à des taux d’acidité plus élevés, des taux de sucre plus faibles, deux facteurs essentiels à l’élaboration de vins mousseux. 

Des taux d’acidité records, également favorisés par le choix de certains cépages hybrides créés pour affronter la rigueur du climat nord-américain. 

Les cépages 
Ces hybrides présentent de vrais avantages dans la transformation en vin mousseux. 

Seyval blanc, frontenac blanc, frontenac gris, acadie blanc, saint pépin… en mono-cépage ou en assemblage, sont parmi les favoris des effervescents québécois. 

Les cépages hybrides sont le résultat d’un croisement, effectué entreles vignes européennes (vitis vinifera) et les vignes américaines (vitis labrusca ou vitis riparia), et sont donc reconnus pour leur résistance au froid. 

Leur utilisation participe, en plus du terroir et de la main du vigneron, à la signature gustative des bulles du Québec. 

Les différentes méthodes 
La qualité de la bulle se mesure avec une pression élevée, exprimée en bars, au-dessus de 3 bars, on parle de vins mousseux, en-dessous de 2 bars il s’agit de vins pétillants. 

Au-delà de toutes ces spécificités, c’est la méthode de fabrication choisie par le vigneron, qui va permettre de distinguer les différents types de vins mousseux. 

On en distingue 3 :  

• Laméthode traditionnelle, surement la plus connue, c’est la fameuse méthode dite « champenoise » (dénomination protégée qui ne peut être utilisée qu’en France en Champagne). Il s’agit de transformer un vin tranquille en vin effervescent, en réalisant une seconde fermentation en bouteille. Au vin tranquille est ajouté une liqueur de tirage, composée de levures et de sucres.Les levures transforment le sucre en alcool et rejettent ainsi du gaz carbonique. En réalisant cette étape en bouteille, tout le gaz y est emprisonné pour créer l’effervescence.  

Les bouteilles sont ensuite placées à l’horizontale et la prise de mousse dure 2 mois environ. 

Les levures forment des lies qu’il faut éliminer. Pendant plusieurs semaines, il faut procéder au remuage des bouteilles (à la main ou de façon mécanique), pour rassembler progressivement les lies vers le goulot et les éliminer lors de dégorgement. 

A ce moment, lorsque les lies sont expulsées, le niveau de vin dans la bouteille n’est plus suffisant. C’est pour cela que le vigneron ajoute une liqueur de dosage, à chacun sa recette, avant de refermer le flacon (pression avoisinant les 7 bars). 

• Laméthode ancestrale, également dite « pétillant naturel », ne consiste qu’en une seule fermentation qui démarre en cuve, avant transfert en bouteille, où le vin mousse en épuisant ses sucres résiduels, (pression avoisinant 3 bars). 

• Laméthode en cuve close, est également appelée méthode Charmat. Après 3 semaines minimum de fermentation en cuve close, le vin est transféré en bouteille, pour une pression avoisinant les 5 bars. 

Brut, sec, doux ? 
La différence réside dans la teneur en sucre résiduel du vin mousseux, autrement dit en fonction du taux de sucre présent dans la bouteille. Cela se mesure en gramme par litre. 

• Brut nature (moins de 3 g/l de sucre), il n’y a donc aucun sucre ajouté. 
• Extra brut (jusqu’à 6 g/l de sucre), il est vraiment très peu sucré. 
• Brut(jusqu’à 12 g/l de sucre), il est peu sucré. 
• Extra sec (12 à 17 g/l de sucre) 
• Sec (17 à 32 g/l de sucre) 
• Demi-sec (32 à 50 g/l de sucre) 
• Doux (plus de 50 g/l de sucre) 

A partir d’extra sec, le vin mousseux commence à se marier assez harmonieusement avec les desserts, on le préfèrera entre brut nature et brut pour un apéritif ou en accompagnement d’un plat.  

Les mousseux se déclinent 

• Blanc de blancs, blanc de noirs, blanc, rosé, rouge, autant de choix de cépages, d’assemblages et de techniques de macération qui confèrent à chacun de ces mousseux des robes et arômes différents. 
• Le mousseux blanc est un assemblage de cépages blancs. 
• Le blanc de blancs est 100% en mono-cépage. 
• Le rosé est généralement un assemblage de vin rouge et vin blanc. 
• Le blanc de noirs est produit avec des raisins rouges ou noires à jus blanc. 
• Le rouge mousseux, avec comme son nom l’indique des cépages rouges, se consomme assez jeune pour qu’il reste sur le fruit et plus volontiers en apéritif. 

Conseils de dégustation 
Si le vin est trop chaud, il y aura trop de bulles et de perte à l’ouverture ; à l’inverse plus le vin est frais, moins il y a de pression. 

L’idéal est donc d’anticiper le rafraîchissement de la bouteille en la plaçant dans un seau à glace 30 mn avant de la servir ou au réfrigérateur quelques heures à l’avance. La température idéale de service est entre 6 à 8 °C. 

Pour préserver l’effervescence, il faut préférer la flûte à la coupe qui laisse trop rapidement s’échapper les bulles et donc les arômes du vin. 

Qui se cachent derrière ces bulles 
Jean-Paul Scieur, co-fondateur du vignoble Le Cep d’Argent, à Magog, avec son frère François, sont les pionniers au Québec. A la fin des années 80, ils ont quitté la Champagne pour la Belle Province, afin de produire le premier vin mousseux québécois, selon la méthode traditionnelle. Ils ont opté pour un cépage hybride, le seyval, qui murît rapidement en 150 jours. Un pari réussi, et qui a donné le goût à de nombreux vignerons de leur emboiter le pas. 

C’est le cas notamment du Domaine Bergeville, avec Ève Rainville et Marc Théberge dans le Canton de Hatley, qui se sont lancés en 2007 dans la production des vins effervescents en biodynamie. 

Un travail de longue haleine et de patience, puisque chez eux, chaque bouteille nécessite en moyenne 18 manipulations humaines, durant tout le processus d’élaboration. 

Ils ne maîtrisent pas seulement l’art de la patience mais aussi celui de la résilience, alors qu’en mars 2021, ils ont failli perdre 3 cuvées et 2 millésimes lors d’un incendie. Après des mois des surveillance et d’études, les analyses ont confirmé que les mousseux ont résisté et su préserver leur intégrité. Ils les ont rebaptisés « les Invincibles ». 

Les vins mousseux québécois ne cessent de gagner en popularité et bénéficient même d’une IGP (indication géographique protégée) reconnue par le ministère en 2018. Le cahier des charges exige de respecter au moins 2 ans avant que le vin mousseux ne soit commercialisé, un temps minimum requis pour obtenir des bulles de qualité.  

Des bulles qui se dégustent mais qui s’écoutent aussi, comme aime à la faire Anne-Marie Lemire deLéon Courville Vigneron, une véritable promesse festive et gourmande! 

Petites particularités propres aux mousseux 
Pour supporter la pression enfermée dans la bouteille, le bouchon est maintenu à l’aide d’un muselet, cette armature de fil métallique. En lieu et place du muselet, il est possible mais rare, d’observer des cordes tressées (la méthode ancestrale). 

Entre le bouchon et le muselet, se glisse la plaque, parfois personnalisée aux couleurs du domaine, et que certains adeptes collectionnent… on les appelle les placomusophiles, si si ça existe ! 

Elodie Gironde